top of page

RECIT DES CONSCRITS DE LA CLASSE 1944 DE WEITBRUCH

« EVOCARE UNUS MEMORIA INDELEBILIS »

 

Coup d’œil sur un souvenir ineffaçable.

Auteur GILBERT SPITZER.

 

C’est sous l’impulsion de quelques futurs conscrits qui ont décidé de se réunir et nommer des responsables, en vue de la conscription de notre classe. Certains n’en croyaient pas leurs yeux à la réception de l’invitation pour la première réunion du 24 mai 1961 au restaurant ’’Au Cygne’’. Ordre du jour : Les caissiers : premier et second, les cotisations, les dates des réunions, (le premier mercredi du mois a été retenu) ; tels ont été les thèmes essentiels de cette première rencontre. Il faut préciser que cette réunion ainsi que toutes celles qui ont suivies, ont été arrosées de plusieurs tournées de bière et parfois de Sylvaner. Ces réunions ont eu lieu soit dans un restaurant de WEITBRUCH ou de GRIES suivant l’humeur de certains, mais aussi des conditions atmosphériques.

La première cotisation est versée le 7 juin 1961 au restaurant ‘’Au Tilleul.’’

Les réunions suivantes, ainsi que les versements des cotisations, se sont déroulés dans les cinq restaurants de WEITBRUCH , mais la grande majorité des rencontres avait lieu ‘‘Au Cygne ‘‘ ou ‘’Au Tilleul ‘’.

 

Le 07 février 1962 :

La cotisation personnelle est doublée pour donner suite à une décision commune, de cinq à 10 nouveaux francs.

 

Le 10 mars 1962 : RECENSEMENT de la classe à la mairie.

 

Réunion du 04 avril 1962 :

Nombreuses discussions concernant l’organisation d’un bal public pour renflouer la caisse, choix d’un orchestre, vente de tombolas qui couvrira une partie des dépenses. Le bal est fixé au 16 juin 1962

                         

Soirée du samedi 16 juin 1962.

La météo n’est pas favorable : il y a de l’orage avec pluie persistante. Derniers préparatifs avant l’arrivée des participants. Le bal débute à 20h30. L’orchestre est dynamique, mais il n’y a pas grand monde. A 22 heures, la salle est remplie de fond en comble. Une deuxième série de tombolas est mise en vente. Ce n’est que vers l’aube (4 heures du matin environ) que les derniers « accros de la danse » quittent avec regret la salle.

Les premiers rayons de soleil parvenaient déjà à percer la brume matinale lorsque nous, futurs conscrits, avons quitté le restaurant ‘’ Au Soleil ‘’. Nous avons ensuite fait la tournée du village jusqu’aux environs de 7 heures. Les pompiers effectuaient déjà leur manœuvre mensuelle dans la rue de la Chaux. Le restaurant ‘’ Au Lion’’ était déjà ouvert, et des fidèles se rendaient à la première messe alors que nous avions la gorge sèche et trinquions déjà notre demi d’amer bière. Puis nous nous sommes séparés. 

1er août 1962 :

Au restaurant ‘’A La Couronne’’. Nombreuses discussions au sujet du Messti : moyens, ouverture des festivités avec un orchestre, vêtements de chaque conscrit, pantalon blanc, tablier brodé. Par pur hasard, Jean GESTER alors maire du village est assis à notre table, il nous donne quelques conseils au sujet des moyens. La réunion se termine sans résultat valable puisque la majorité n’est pas d’accord pour ce qui concerne les conscrits au Messti.

 

Mi-Août :

Un journal régional publie la liste des communes ainsi que les dates du conseil de révision. Pour WEITBRUCH, le « jour J » est fixé au 09 novembre 1962.

 

04 septembre 1962 :

Au restaurant ‘’Au CYGNE’’ : Les participants tombent d’accord sur le port de chapeaux tyroliens mais pas de pantalons blancs ni de tabliers. Mécontentement de certains mais accord sur le point suivant qui concerne les boissons qui seront consommées dans les différents restaurants : elles seront prises en charge par la caisse commune de la classe.

 

Le Messti se déroulera les journées du 08, 09, et 10 septembre 1962.

 

Samedi 08 Septembre

A 14 heures.

Rassemblement chez Georges MULLER, ferme située rue principale, en face de la boulangerie Humbert-Schissele en vue des préparatifs pour l’abattage du sapin servant de « Maie », (mât du Messti). Mais auparavant il reste à résoudre le problème de l’emplacement, car le restaurant ‘’Au Soleil ‘’ n’accepte pas qu’on le place sur son terrain, ce qui entraine un désaccord de plusieurs mois avec l’aubergiste. Après de nombreuses délibérations, nous décidons de le placer chez l’un des nôtres, Georges Muller, demeurant au milieu du village.

 

Nous nous dirigeons vers la forêt en tracteur et une remorque aménagée de façon à pouvoir transporter le sapin sans rompre le tronc, ni abîmer la cime, vers 15 heures. Le garde forestier que nous avions sollicité nous conduit vers une magnifique sapinière. Des troncs de toutes tailles se dressaient devant nous en balançant leurs cimes aux premières brises automnales. Pour le choix de l’arbre nos discussions sont restées vaines car le garde forestier désigna un tronc d’une longueur correspondant à notre goût.

Les premiers coups de cognée entaillaient profondément le tronc quand Georges Muller démarra le moteur de sa tronçonneuse. Au bout d’une trentaine de secondes, le sapin chancela avant de tomber entre les arbres.


Malheureusement la cime se rompt en trois pièces, ce qui rend notre « mât » inutilisable. Le garde forestier désigne alors un autre sapin d’une taille légèrement inférieure au précédent. Quelques coups de cognée et quelques tours de tronçonneuse firent tomber ce dernier dans un endroit plus dégagé. Moment haletant et décisif, la cime n’a pas rompu. Soulagement du groupe.

 

On mesure la longueur du tronc, 15 mètres environ, puis il est nettoyé. On pose pour quelques photos et nous le portons entre les arbres vers la remorque (attelage spécifique pour le transport de troncs d’arbres). En cours de route notre témérité occasionne un petit incident, nous avons fait chuter un cycliste qui se blessa légèrement aux genoux. Après la traversée des principales rues du village, nous sommes prêts à dresser le « mât ». Nous l’avons décoré de guirlandes et de papiers multicolores. A 17 heures nous l’avons élevé et 10 minutes plus tard sa cime majestueuse dominait les toits des maisons environnantes. Plusieurs courts circuits occasionnés par un câble en acier ont retardé l’illumination qui ne fut prête qu’à 19heures. Le courant nous a été fourni par la famille de Georges Muller.

A 21 heures : rassemblement au restaurant ‘’ Au Tilleul ‘’. Bonne humeur entre nous, ainsi que de bons amusements en perspective.

 

Dimanche 09 septembre, 15 heures.

La classe n’était plus qu’un groupe de six hommes et pour étoffer le groupe il fallait réveiller plusieurs conscrits, chez eux au lit. Lassitude chez chacun par manque d’enthousiasme. C’est la soirée du Messti, nos nombreuses boissons sont à la charge de la classe et les billets pour les autos-scooters sont gratuits. A 21 heures la classe est au grand complet. Va et vient dans les quatre restaurants. Les orchestres jouent des danses en l’honneur des conscrits, ce qui ranime notre enthousiasme ! Mais en fin de soirée on remarquait de nouveaux signes de lassitude pour quelques-uns et j’en faisais partie. Je suis rentré me coucher, mais une demi-heure plus tard toute la classe était à mes trousses, m’éveillait en me chassant du lit. Pour les calmer, il ne me restait plus qu’à les suivre pour boire un café au restaurant ‘’Au Cygne ‘’

 

Lundi 10 Septembre : NOCH MESSTI !

Aux environs de 14 heures, nous nous retrouvons au restaurant ‘’ Au Tilleul ‘’ puis nous allons à la chasse des derniers dormeurs. L’équipe complète, nous faisons quelques tours d’autos-scooters. Ne sachant que faire, nous décidons de faire une balade en tracteur. Georges nous propose une tournée, mais auparavant il faut faire le plein de gasoil à la station « FINA » chez Scherer, plein qui est offert « aux conscrits ».

 

Nous nous rendons à Marienthal et en passant dans la forêt nous ornons le tracteur et la remorque avec des branches d’arbres et de genêts. Arrêt au restaurant ‘’ A l’Arbre vert ‘’ chez Emilie Klieber, à l’entrée de Marienthal-Gries. Après trois tournées, Emilie nous en offrit une quatrième.

Puis direction Gries, sans oublier notre drapeau à moitié déchiré qui ressemblait à un étendard ayant subi de dures batailles. Le drapeau flottait au vent. (C’était un drapeau que Georges avait emmené de chez lui). On traversa le village en direction de Kurtzenhouse vers la gare, car certains voulaient acheter leur abonnement hebdomadaire de train pour le lendemain matin. En cours de route nous vient aussi l’idée d’acheter du pain car le boulanger de Weitbruch n’en aura certainement plus à notre retour.

 

Après une courte escale au restaurant de ‘’La Charrue ‘’ tenu par Georges FREUND à Gries, nous revenons à Weitbruch aux environs de 18h 30. Petite tournée dans le village car la nuit était proche. Halte au restaurant ‘’ Au Tilleul ‘’. C’est là que l’on mange notre pain avec une bonne portion de saucisse. A 21 heures bal dans le même restaurant. Signes de fatigue pour la grande majorité d’entre nous, après trois journées et trois nuits d’amusements et de gaietés. Nous nous quittons, une certaine joie dans le cœur, car le lendemain matin, chacun doit reprendre son travail.

 

03 octobre 1962 :

Restaurant’’ Au Tilleul’’. Fortes discussions au sujet des dépenses pendant le Messti. Motif : somme dépensée assez élevée et manque de factures. Décision au sujet de Joseph Kleinclaus, celui-ci peut faire partie du groupe à condition qu’il paie une somme modérée qui couvrira ses propres frais et qu’il ait des pantalons blancs, un tablier et un chapeau pour la conscription. Dernier versement fin octobre en avance pour le mois de novembre. Discussions et accord au sujet du drapeau à double face et de la canne du « tambour major » Inscription sur le drapeau :

VIVE LA CLASSE 1944/64 WEITBRUCH

 

Avec un motif représentant une charmante alsacienne au milieu d’un champ de blé, d’où l’on aperçoit le clocher d’une église. Sur l’autre côté la même inscription, mais pour motif le blason de la commune, représenté par un fer à cheval en or sur fond bleu entouré de deux palmes de laurier. Sauf erreur c’est la dernière classe qui portera ce blason sur le drapeau, remplacé par la suite.

 

Samedi 03 novembre :

Premiers préparatifs pour la conscription. Il s’agit de prévoir la décoration de la remorque des « CONSCRITS ». Robert Peter, Georges Muller et Gilbert Spitzer cherchent des branches de sapin dans la forêt, parmi lesquelles celles du premier sapin qui s’était rompu en trois lors de l’abattage du mât pour le Messti. A l’aide de haches et de scies on a coupé de jeunes sapins, mais bien entendu sous l’ordre du garde forestier. On les déposa chez Gérard Hubert.

 

Mercredi 07 novembre :

20h30 chez Gérard Huber, décoration de la remorque avec les branches de sapin. Il fallut d’abord dresser un gabarit pour y accrocher les branches. Vers la fin nous remarquons que les branches ne suffiront pas. Sans que personne ne s’en aperçoive, deux d’entre nous s’étaient glissés dans le verger derrière la cour où se dressaient trois magnifiques sapins. Au moyen d’une hache, d’une échelle et d’une lampe de poche, ils parvenaient à recueillir quelques branches pour achever notre montage. Hélas ce n’était toujours pas suffisant. Un groupe de quelques hommes ont pris leurs cyclomoteurs pour chercher discrètement d’autres branches de sapin. Peu de temps après ils reviennent avec leur butin, et après quelques coups de marteau « l’habillage » de notre remorque fut achevé. Pardon, elle n’avait plus l’aspect d’une remorque quelconque, qui quelques jours auparavant transportait encore du fumier, mais l’allure d’un char de grandes festivités champêtres.

Herbert Peter peignait les roues pour leur donner une impression de flanc blanc et d’augmenter la splendeur du char. Tard dans la nuit on attela la remorque au tracteur et on remisa le tout dans la grange de Georges Muller, son emplacement habituel.

Jeudi 08 novembre 1962.

Veille du jour « J » Derniers préparatifs pour le char, ornement à l’aide de bandes multicolores, aménagement de l’intérieur et pose de bancs. Peinture des fameux landaus d’enfants (poussettes d’une autre époque) destinés pour la quête au village.

 

Vendredi 09 novembre 1962.

Jour ‘’J’’

C’est le jour le plus attendu par tous, depuis des années, même quand on allait   encore à l’école, on rêvait déjà de ce moment.

 

7 heures du matin. Les premiers rayons de soleil parviennent momentanément à percer les épaisses couches de nuages qui voilent l’horizon. Notre groupe se forme lentement devant le restaurant ‘’Au Cygne’’ sans oublier notre orchestre champêtre composé de six hommes.

 

8H15. Les premières gouttes de pluie commencent à tomber.

Départ : Dépose d’une gerbe au monument aux morts.

L’ainé de la classe, Robert PETER, prononce quelques mots en mémoire des victimes des deux guerres. Après une minute de silence et de recueillement, nous marchions trois par trois vers la sortie du village, drapeau et tambour major en tête du cortège. Le drapeau était porté par Robert PETER et la canne par le plus jeune, Aimé JUND.

C’était très émouvant lors de notre passage à travers le village, car la moitié de la classe était orphelin, soit de père ou de mère. Çà et là des gens nous regardaient de la fenêtre ou sur le pas des portes. La musique dissipait notre monotonie en nous jouant des marches autant françaises qu’allemandes. Arrivés aux dernières maisons, nous avons pris place sur le char. C’est alors que la pluie redoubla sa charge.  Un vent glacial nous fouettait le visage. On grelottait sous l’effet de la pluie. Les pantalons blancs de quelques-uns se coloraient de la couleur des banderoles de papier qui ornaient le char.

Arrivés à Haguenau, l’on descendit du char, non loin du boulevard Nessel, au commencement de la Grand-rue. On se dégourdissait les jambes en faisant le trajet jusqu’à l’Ancienne Douane à pied. Nous marchions à nouveau trois par trois au rythme de la musique. Les passants s’arrêtaient pour nous contempler.

Arrivés à l’Ancienne Douane, nous avons pu constater que nous avions plus de succès par nos tenues : pantalons blancs multicolores dus à la pluie, tabliers brodés, chapeaux, que par notre magnifique drapeau. La pluie venait de s’arrêter. Les villages passaient par ordre alphabétique, c’est pourquoi notre groupe était l’un des derniers, juste avant Wintershouse et Wittersheim. En attendant notre tour nous étions partis boire notre premier demi de bière au restaurant du ‘’ Crocodile’’. (HAGUENAU)

 

Vers 10 heures, revenus à la ‘’Douane’’, nous croisons Charles ANDRES le restaurateur ‘’du Tilleul’ ’(WEITBRUCH) qui nous invite cordialement à boire un coup.

 

C’est vers 11 heures que nous avons quitté le restaurant. Mais il fallait encore attendre notre tour quelques instants. Un gendarme nous a donné une carte mentionnant nom, prénom, profession et adresse. C’est alors que se déroulent les différentes étapes pour chacun. En dernier on passait dans le salon où siégeait le sous-préfet et les maires du canton. « Bon pour le service armé » nous dit le sous-préfet.

 

Quand Georges MULLER entre dans la pièce, pieds nus comme tout le monde, il a marché sur une punaise de bureau.  Il a sursauté, a retiré la punaise et l’a déposée sur le pupitre du sous-préfet très surpris

Tous les quinze candidats étaient bons pour le service.

Un adjudant voulait à tout prix nous récupérer pour la colonie (pour ainsi dire nous acheter). Puis nous nous sommes rhabillés puisque nous étions nus pour la conscription.

 

Monsieur le Maire nous invita à boire à sa santé.

C’est alors qu’on commença à faire la quête dans les principales artères de la ville. Partout on nous demandait notre village d’origine : certains disaient la vérité alors que d’autres faisaient croire qu’ils étaient de Haguenau. Arrivés à hauteur de la Halle aux Houblons, le groupe des conscrits de Haguenau se mit à nos trousses car la plus grande part d’argent que nous avions reçue leur était normalement destinée. On prit ensuite un coup au restaurant du ‘’Luxhof’’ et l’on fit demi-tour vers la place de la gare. C’est à partir de la place d’armes qu’on recommençait notre quête. Arrivés en fin de grand-rue, satisfait de notre butin, on est allé dans un restaurant boire à la santé du Maire.

 

Vers 12 heures 30, nous nous dirigeons vers le restaurant ‘’Au Châtelet’ ’route de Strasbourg, où on avait commandé le repas de midi. Après s’être rassasié, on posait pour des photographies individuelles et collectives.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A 15 heures nous avons quitté Haguenau, installés sur le char avec l’orchestre, en direction de MARIENTHAL. Sur le chemin, à Haguenau, arrêt devant la maison de Charles MULLER, (qui gère la casse autos avenue Leriche et qui est originaire de Weitbruch) pour une petite danse. Nous avons poursuivi et avons traversé Marienthal à coups de klaxons.

Nous avons fait escale au restaurant ‘’A l’Arbre vert ‘‘, chez Emilie car lors du Messti nous avions fait la promesse de passer chez elle, le jour du Conseil de Révision. Nous avons trinqué longuement, il y a eu plusieurs tournées avant de quitter ce lieu et de reprendre notre route vers Weitbruch à travers la forêt. Une brume automnale a dissipé les feuillages jaunis.

 

Arrivés à WEITBRUCH, à hauteur de la maison forestière nous avons mis pied à terre. Notre orchestre a joué quelques airs en l’honneur du garde forestier, Monsieur SCHMIDT, en reconnaissance de sa collaboration pour le ‘’MAIE’’ et les rameaux de sapin qui ornaient notre char. C’est alors qu’on a commencé à sauter par petits groupes de quatre.

Quelques centaines de mètres plus loin, dans la rue principale nouvel arrêt devant la maison de Monsieur le Maire. L’orchestre a joué quelques airs en son honneur et en reconnaissance pour tout ce qu’il a fait au cours des années pour la classe 44. Après un vin d’honneur et quelques kougelhopfs nous avons poursuivi notre route vers le centre du village. Nouvel arrêt devant la maison de Monsieur l’Adjoint. Encore une fois, quelques airs en son honneur, puis nous avons vidé plusieurs cruches de vin blanc. La nuit tombait rapidement et notre course à travers les artères principales de WEITBRUCH continuait jusqu’à 19 heures.

 

Après un repas bien mérité l’orchestre nous a invité à la danse. Presque toutes les filles de la classe nous avaient rejoints. La soirée se prolongea jusqu’à deux heures du matin. Notre première journée s’acheva et nous avons rejoint notre dortoir chez Georges MULLER. Notre ‘’home’’ était constitué de la pièce qui servait auparavant à la collecte du lait (d’Melilchcentral). Le sol était recouvert d’une épaisse couche de paille. Un vieux fourneau assurait le chauffage, mais le matin on grelottait de froid. Chacun s’est installé dans un coin, des farceurs ont empêché les autres de dormir et ce n’est que vers 4 heures du matin que le silence a régné.

 

Samedi 10 novembre :

Réveil vers 10 heures, pour nous rendre à la cuisine pour un brin de toilette et prendre notre petit déjeuner

Dans la cour on allumait les vieilles voitures d’enfants collectionnées au cours de la semaine après les avoir aspergées de gas-oil. Une immense flamme s’élançait dans l’air, en léchant la face d’un vieux chenil.

Ensuite on a décidé de chercher Gérard HUBER qui avait déserté la veille pour se coucher dans son lit, et qui avait pris comme excuse une plaie au pied, occasionnée par un choc ! Au passage, un petit match au terrain de football. Puis direction Charles GRAD, pour le solliciter comme musicien (accordéoniste) lors de la tournée du village, demain Dimanche. Celui-ci accepta. Nous avons pris un verre ‘’A La COURONNE’’, avant de nous retirer dans notre ‘’cambuse’’.

Joseph KLEINCLAUSS avait récupéré un lapin chez un habitant du village. On se ravitailla encore à la boucherie en saucissons. On s’installa chez Georges pour prendre le repas de midi, sur la paille, avec une caisse de bière cherchée au restaurant ‘ ‘Au LION’’ prévue pour étancher notre soif.

 

L’après-midi, on a gambadé par ci et par là. Vers 16 heures nous nous sommes rendus chez Aimé JUND, car celui-ci voulait changer de vêtements. En cours de route arrêt dans une cour où on distillait du « SCHNAPS ». Ce fut le moment catastrophique car Georges MULLER, sans hésiter prend un verre à vin, le remplit de schnaps et le vide, puis un deuxième.

Nous arrivons chez Aimé et pendant qu’il se change nous avons pris ‘’un coup’’ de vin blanc. Georges commençait à devenir ‘’énergique’’. Dès qu’il avait franchi la porte, il ne tenait plus debout. On l’a pris sur les épaules et on l’a transporté au restaurant ‘’Au TILLEUL’’. Nous avons voulu lui faire boire un verre de menthe dans lequel nous avons rajouté quelques ‘’Véganines’’ pour le faire vomir. Mais il a refusé de le boire. Il était comme ‘’un mort vivant’’. On l’a raccompagné chez lui et on l’a couché sur la paille, alors que les autres, assis à la cuisine écoutaient la radio tout en somnolant, car tout le monde était en piteux état !

 

Vers 20 heures on s’est retrouvé, plus ou moins remis, au restaurant ‘’AU TILLEUL’’ où l’on a pris le diner : ‘’Nudle mitt Hase Pfeffer’’ (Civet de Lapin et pâtes). Un plat a failli être la ‘’victime’’ de Hubert DOSSMANN, qui d’un geste gracieux l’a jeté au milieu de la salle avec les nouilles.

Un concert de bal a achevé cette seconde journée.

 

Dimanche 11 novembre. Réveil à 8h30.

Toilette et petit déjeuner chez Georges. Quelques-uns cherchent des poules chez eux pour le repas de midi. D’autres prennent leur apéritif au restaurant. A 11h30 on détripait encore la dernière poule. C’est vers 13H qu’on s’est mis à table.

14 heures. Commencement de la tournée : l’orchestre composé de deux personnes (accordéon et tambour) nous a menés aux différents domiciles des participants. Celui qui était visité portait le drapeau et le suivant s’emparait de la canne tambour major. Le premier arrêt était chez Aimé JUND. On a pris un coup et on a continué notre randonnée chez Bernard HEITZ. Gérard HUBER et Charles SCHAEFFER nous avaient quitté discrètement pour aller jouer au football. On a pris la décision de ne pas leur rendre visite.

 

Ensuite notre marche s’est poursuivie chez Hubert DOSSMANN, drapeau et tambour major, toujours en tête. C’est alors que Bernard BLANCK a détaché une chèvre pour la promener dans la chambre où nous étions rassemblés. Ensuite, c’est chez Gilbert SPITZER, puis chez Albert SUSS que nous avons effectué nos prochains arrêts. A partir de cette halte l’effet de l’alcool s’est fait ressentir, nous sommes devenus des « demi-moitiés ». (À moitié saouls).

Ensuite chez Robert PETER, on a commencé lentement mais progressivement à danser. Bernard BLANCK a été notre prochaine escale et ensuite nous nous sommes rendus chez deux filles de notre classe, Jacqueline BEYEL et Marlyse HUCKEL où se déroulait un baptême Chez Herbert PETER, l’ambiance devenait de plus en plus romantique surtout lorsqu’un conscrit urina dans le coin de la chambre.

 

Vers 19 heures nous sommes arrivés chez Joseph KLEINCLAUS, chez qui nous avons dégusté un gâteau encore chaud. Notre périple s’est terminé chez Paul TRENDEL. A partir de là, nous n’étions plus des « demi-moitiés » mais des « pleins complets ». Chacun avait sa dose sans aucune exception. Quelques-uns jonchaient par-ci, d’autres par-là, soit sur un lit, soit sur le plancher. Joseph KLEINCLAUS baignait dans le sang car il est tombé à maintes reprises.

Plus tard, arrivés au restaurant du ‘’TILLEUL’, nous n’avions plus aucune envie de manger. Hubert DOSSMANN, ne sachant que faire avec ses forces, s’est emparé d’un demi-tonneau dans lequel étaient plantées des pensées et l’a renversé avec tout son contenu au milieu de la route. Un bal achevait la journée, mais la lassitude s’était emparée de nous, et après ce 11 novembre bien rempli c’est vers 2 heures du matin que nous nous sommes couchés dans notre taverne.

 

Lundi 12 novembre:

Réveil 9 heures. Toilette et petit déjeuner. Une partie des conscrits commence à faire la quête qui cessera à midi pour partager le repas.

 

A 14 heures nous avons poursuivi notre quête en terminant par la partie sud du village (rue de l’Eglise, route de Brumath, rue Oberend). Les écoles situées sur notre parcours ont également eu droit à notre visite. Le monsieur habitant en face de l’ancienne école protestante, route de Brumath, a refusé de donner quoi que ce soit, lors de notre quête. Alors que deux d’entre nous discutaient fermement avec lui, trois autres se sont faufilés au verger et ont tué une poule qui a composé notre diner.

Mardi 13 novembre : 5ème jour.

Réveil 8h30. Toilette et petit déjeuner. On a passé le reste de la matinée au restaurant ‘’Au Tilleul’’ car il faisait très froid ce matin-là. Certains jouaient aux cartes, d’autres s’amusaient à écouter des disques sur le ‘’Juke-Box’’, surtout notre chanson favorite (un peu paillarde), l’hymne national de la classe, tout en vidant de nombreuses canettes.

L’après-midi virée au village, çà et là un lapin ou une poule devaient laisser leur vie et ce n’est que tard dans la soirée que nous avons quitté la dernière maison. C’est alors qu’on a mis notre landau, ainsi que notre butin en sécurité.

Un menu gracieusement servi nous attendait au restaurant ‘’Au Cygne’’ et après le repas Charles RUBRECHT et Charles GRAD formèrent un duo pour nous entretenir en musique. Ce n’est que vers 1 heure du matin que s’est terminée l’avant dernière journée.

 

Mercredi 14 novembre : 6ème et dernière journée de conscription.

Réveil 9h30. Petit déjeuner pris au restaurant ‘’Au Tilleul’’ et jusqu’au repas de midi nous avons vidé beaucoup de canettes de bière. La petite sieste et à nouveau quelques canettes de bière nous ont remis d’aplomb et vers 4 heures

« Nous avons fait tomber le « MAIE ».

Celui-ci s’est brisé en trois morceaux et quelques-uns d’entre nous sont tombés à terre.

Les banderoles du chapeau de Joseph KLEINKLAUS ont été coupées par une fille de Niederschaeffolsheim.

 

A 19 heures on s’est retrouvé pour le dernier repas et notre groupe diminuait d’heure en heure. Après le diner nos deux musiciens ranimaient un peu nos esprits sur des airs d’accordéon.

 

A 23 heures nous sommes tous sortis pour brûler la voiture de collecte et nous avons dansé autour du feu.

Mais hélas toutes les bonnes choses ont aussi une fin et le lendemain était jour de travail pour la grande majorité d’entre nous. Petit à petit notre groupe s’est dispersé.

Il y a encore eu une rencontre sur invitation le vendredi 28 décembre 1962 au restaurant ‘’Au Tilleul’ ’pour la distribution des tombolas non retirées.

Fait à WEITBRUCH LE 1er avril 1963.

Gilbert SPITZER.

 

Texte retranscrit par l’Association d’Histoire et d’Archéologie de Weitbruch.
Octobre 2020.

Recit-Image1.jpg
Recit-Image2.jpg
Recit-Image3.jpg
bottom of page