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20 ans après Lothar : conférence à Weitbruch

 

Vendredi 27 décembre 1999 au Millénium s'est déroulée une conférence autour des conséquences forestières de la tempête Lothar de décembre 1999. La manifestation a été organisée par la toute nouvelle association d'histoire et d'archéologie de Weitbruch. Plus d'une centaine de personnes était présente : le sujet est porteur et personne n'a oublié ces quelques heures apocalyptiques de la fin du dernier millénaire !

Les conférenciers ont été accueillis par Alain Christophe qui a présenté les objectifs de l'association d'histoire et a introduit le sujet de la tempête en évoquant quelques souvenirs de ce jour-là.

Pierre Geldreich, directeur de l'Agence Rhin Vosges ONF, habitant d'ailleurs Weitbruch, a ensuite pris la parole. A travers une description fort bien documentée et présentée clairement, il a rappelé les grandes lignes de l’événement en précisant les pertes en volume de bois mais aussi financières. A Weitbruch, 75% de la forêt était au sol, un record malheureux en Alsace !

 

Ensuite Pierre Geldreich a présenté la méthode de reforestation mise au point après la catastrophe...il fut question de régénération naturelle et de dynamique des successions naturelles ainsi que des processus différents mis en place pour nettoyer et remettre sur pied la forêt de Haguenau. Celle – ci, aux dires du conférencier, est actuellement plus naturelle, plus différenciée en essences et plus apte à se protéger des événements météorologiques futurs. La tempête a forcé l'ONF à revoir quelques-unes de ses pratiques et les protocoles mis en place en Alsace ont été érigés en modèles nationaux, ce qui prouve leur efficacité.

 

Dans un deuxième temps, l'adjoint au maire Jean Claude Krebs a pris la parole et présenté les conséquences de la tempête pour la commune. Les pertes financières ont été énormes... Weitbruch comptait beaucoup sur les gains ramenés par la forêt…mais une dépression à 960 hPa n'est motivée par aucune considération financière...  Lothar s'est chargé de redire à la population de l'Europe de l'Ouest que la nature reste maître à bord. Les photos montrant les dégâts au lendemain du passage de l'ouragan ont rappelé à chaque assistant l'état de sidération dans lequel se trouvait l'Alsace au soir du 26 décembre 1999.

 

Nos deux conférenciers ont d'ailleurs été au cœur du reportage réalisé par France 2 évoquant l'anniversaire de la tempête lors du journal de 13h.

A l'issue de la soirée, et après quelques questions posées par l'assistance sous forme de débat, c'est autour d'un verre que chacun a pu continuer à évoquer Lothar.

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Réunion sur le Lothar au millenium déc 2

Vingt ans après l’ouragan Lothar en forêt de Haguenau. 

 

Dans le cadre des animations liées au dossier « forêt d’exception de Haguenau », la municipalité de Haguenau a demandé à Pierre Geldreich de témoigner sur la tempête Lothar du 26 décembre 1999 qui a profondément affecté le massif et sa gestion.

 

L’événement du 26 décembre 1999 :

Le 26 décembre1999 une dépression très profonde (960 hPa) s’est installée sur l’océan atlantique. Elle a provoqué une tempête, dénommée « Lothar », qui s’est creusée encore davantage sur terre et a traversé rapidement (en huit heures) le nord de l’hexagone. Des vents très forts, de 150 à jusque 180 km/h, ont balayé le pays sur une bande de 150 km de large en direction de l’Allemagne puis de l’Autriche. Les services de la météorologie nationale ont qualifié l’événement comme « un phénomène à l’extrême du possible en Europe ». Il n’existait aucune trace dans les archives connues d’une telle violence. Les alertes météorologiques au grand public ont d’ailleurs été modifiées après Lothar avec notamment la création d’un code couleur « rouge » pour les phénomènes potentiellement très dangereux.
Le lendemain 27 décembre, un second ouragan « Martin » d’origine et de puissance similaires a affecté le sud de la France.

 

Lothar a causé des dégâts socio-économiques très lourds : 30 morts ont été dénombrés en France, dont 3 en Moselle, 2 dans les Vosges, 2 dans le Bas-Rhin. 140 en Europe. Des monuments ont été touchés (le Mont Saint-Michel, Notre Dame de Paris, le moulin de Valmy), des jardins publics ont été détruits (Versailles). Des tuiles sont tombées partout, des toitures entières ont parfois été arrachées. 3 millions de foyers ont été privés d’électricité dont certains plusieurs jours. Les dommages ont été estimés à 75 milliards de francs, dont 25 à 30 ont été pris en compte par les assurances. Les forêts étaient pour l’essentiel non assurées.

Au plan forestier :


Au niveau national, Lothar et Martin ont touché significativement 1 million d’ha, soit 7 % de la forêt française, dont 20 % a été rasé. 140 millions de m3 de bois ont été détruits ou renversés qui correspondent en moyenne à 3 années de récolte.


Les régions Lorraine et l’Aquitaine ont concentré la moitié de dégâts. Les forêts publiques ont été proportionnellement plus touchées que les privées avec 45 millions de m3 détruits.
 

En Alsace, 12 000 ha ont été détruits, surtout entre La Petite Pierre (hêtraies) et Haguenau (pineraies). 4 millions de m3 ont été cassés ou renversés. Des dégâts sanitaires complémentaires se sont produits sur les pessières en raison de l’invasion d’insectes, les scolytes. On peut les qualifier de répliques, par analogie avec les séismes.
 

Dans le massif de Haguenau au sens large, ce sont 6 300 ha qui ont été très touchés, dont 3 500 en forêt indivise. 5 300 ha dont 3 000 en forêt indivise ont été détruits à plus de 70 %. Certaines forêts communales importantes ont été détruites à 75 % (Weitbruch, au sud de Haguenau). En raison des sols saturés en eau au moment de la tempête, il y a eu plus de bois renversé que cassé. Les chênes défeuillés en décembre ont été épargnés. Les pins sylvestres en revanche ont été affectés aux 2/3 ; seuls les peuplements très jeunes (âge inférieur à 20 ans) ont résisté du fait de leur faible hauteur.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

D’autres crises ayant causé des coupes de bois accidentelles sont documentées sur la forêt de Haguenau. La plus importante s’est produite en 1870 et a causé la récolte de 500 000 stères sur probablement plus de 1 000 ha. Le sujet a été rapidement oublié, peut en raison d’autres événements plus politiques s’étant produits à la même époque. Des incendies importants ont détruit respectivement 300, puis 200 et 50 ha en 1971, 1976 et 1984. Ils se sont souvent développés dans le sud-est du massif au départ du camp militaire d’Oberhoffen.
 

La tempête de 1990 a renversé 50 ha de bois. La crise sanitaire due à une chenille défoliatrice, le Bombyx disparate, a provoqué la récolte de 100 000 m3 de chênes entre 1995 et 1997 et entraîné la mortalité de 100 ha de plantations.
 

Les crises font partie de la vie de la forêt. Celle de 1999 a été néanmoins d’une ampleur inédite. Elle a été 3 fois plus importante que la plus grosse documentée et 10 fois plus importante qu’une crise ordinaire. On peut donc probablement la qualifier de tempête du millénaire qui a beaucoup rajeuni la forêt.

Les constats généraux issus de l’analyse des dernières tempêtes :


Les vents forts de 60 à 120 km/h sont dénommés tempêtes. Au-delà de 120 km/h, il conviendrait de parler plutôt d’ouragan. En Europe les forts vents sont issus de fronts dépressionnaires ou d’orages d’été.
 

On réserve le terme de tornade à l’Amérique du nord, où les vents sont plus localisés et les phénomènes se déplacent plus lentement que ne l’ont fait Lothar et Martin.
 

La vitesse de pointe des vents est déterminante pour les dégâts forestiers et la taille des dommages est corrélée à la vitesse des vents. Pour des vents inférieurs à 60 km/h on constate la destruction d’arbres isolés ; de 60 à 110 km /h surviennent des trouées de 10 à 100 ares. Au-delà de 110 km/h se produisent des grandes trouées pouvant aller jusqu’à 100 ha. C’est bien ce qui a été observé sur la forêt de Haguenau le 26 décembre 1999.
 

Les arbres détruits sont dénommés « volis » quand le bois est cassé, ou « chablis » quand le sujet ou le peuplement est renversé, déchaussé, déraciné.
 

Les conifères sont 2 à 3 fois plus sensibles que les feuillus, car ils sont à feuillage persistant l’hiver (à l’exception du mélèze). Selon l’essence de conifère, le bois est plus ou moins résistant, dans l’ordre décroissant, le douglas, le pin, le sapin puis l’épicéa le plus fragile. Dans les grands feuillus, les chênes sont plus résistants que les hêtres La forme du système racinaire intervient dans la résistance au chablis. Le système en forme de coeur est le plus performant.
 

Hauteur et âge des peuplements sont également des facteurs aggravant. Les dégâts les plus forts se produisent dans les peuplements dont la hauteur dépasse 20 m.
 

Il a été constaté aussi qu’un mélange de 10 à 20 % de feuillu dans un peuplement résineux améliore significativement la stabilité de l’ensemble. Quand les peuplements viennent d’être éclaircis, ils sont plus fragiles. Mais à court terme, les arbres éclaircis développent leur houppier et leur système racinaire, ce qui les renforce comme le peuplement qui les contient.
 

Quand les sols sont superficiels (peu profonds) ou hydromorphes, les essences à enracinement pivotant développent des systèmes racinaires traçants. C’est donc de l’interaction essence sol que dépend la résistance des arbres et des peuplements aux vents forts.
 

Les peuplements irréguliers ou jardinés ne résistent pas à des vents de 170 km/h ; les arbres tombent aussi. Mais l’avantage décisif par rapport à la futaie régulière, c’est que dans ces forêts, en conditions normales, la régénération se développe partout et il restera après récolte de chablis un jeune peuplement qui cicatrisera et repartira sans délai.
 

La pineraie de Haguenau cumulait ainsi les risques face à Lothar : un peuplement conifère, mono spécifique, en futaie régulière sur sol hydromorphe… mais il s’agissait quand même de l’ouragan du millénaire. Pour autant, il faut engranger les observations faites et rechercher pour l’avenir une forêt plus feuillue, plus mélangée, bien éclaircie, bref plus résiliente.
 

En ce qui concerne l’impact de la tempête sur la faune forestière, les études menées pour la première fois sur certains massifs comme Chizé et Trois Fontaines ont montré que les ongulés (chevreuils et sangliers) n’ont pas connu de mortalité directe significative ; ils ont « pressenti » le phénomène et su se mettre à l’abri ; ils se sont reproduits normalement les années suivantes. La qualité des habitats du chevreuil, animal de lisière, s’est trouvée améliorée.

 

Idem en ce qui concerne l’avifaune, pour laquelle des recherches menées dans les Vosges du nord ont montré une amélioration de la diversité, de la richesse et de la densité par rapport à avant la tempête. Pour l’entomofaune, celle liée à la dégradation du bois mort a été conservée ; le catalogue des espèces présentes s’est élargi à des insectes de milieux ouverts. Au total donc en matière faunistique, on n’observe pas de catastrophe après les tempêtes en forêt si l’exploitation des chablis est raisonnée, c’est-à-dire limitée aux grumes de valeur et si les travaux sont respectueux des micros habitats que constituent les souches, la nécro masse et les volis.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


La reconstitution :


Elle a débuté par l’exploitation des chablis, un travail dangereux à ne confier qu’à des professionnels et des machines, malgré les nombreuses bonnes volontés d’aide qui se sont spontanément manifestées à la vue de la catastrophe. Les consignes données aux équipes de forestiers étaient en rupture avec celles en vigueur pour la gestion des crises antérieures où l’on procédait à des coupes de rectification et à l’évacuation complète du bois, parfois même des souches, pour effacer le traumatisme. Tous les arbres non morts ont été conservés ; ils constituent autant de semenciers futurs et autant de bois en moins sur un marché déjà encombré. Sous étages, régénération déjà en place et sols ont été préservés autant que faire se peut. Les rémanents d’exploitation n’ont pas été andainés, ni incinérés, mais éparpillés pour limiter l’érosion des sols, lutter contre la végétation concurrente des semis et les protéger par encagement contre l’abroutissement des ongulés. Les souches renversées ont également été laissées en l’état sauf risque majeur, car elles constituent des micros habitats et parfois des milieux favorables à l’installation et la croissance de la régénération.
 

Au terme d’une année, 70 % des grumes avaient été récoltées et vendues grâce à des renforts de bûcherons externes et surtout à la mécanisation ; jusqu’à 20 machines d’abattage ont fonctionné simultanément en forêt de Haguenau, ce qui était totalement inédit. Fin 2001, 100 % du bois était commercialisé, non au travers d’adjudications publiques comme traditionnellement, mais par le biais de contrats avec les professionnels de la filière.
 

Une crise forte et durable s’est fait jour néanmoins dans le marché européen du bois. Les prix, sans s’effondrer grâce aux mesures prises, ont beaucoup baissé. Aujourd’hui encore, 20 ans après l’événement malgré un volume domanial quasi équivalent mis en vente annuelle, les recettes bois totales de l’ONF restent 15 % en de ça de celles d’avant Lothar.
 

Sur le massif de Haguenau, les ventes contractuelles de chablis ont pu se faire rapidement grâce à la connaissance relativement précise des volumes détruits qu’a permis le système d’informatique géographique mis en place à l’occasion de l’aménagement des années 1990. Il a suffi de croiser des cartes de dégâts avec celles des peuplements en place dont les volumes étaient bien connus pour estimer par peuplement, parcelle, ou secteur géographique plus large les volumes à récolter. Les acheteurs potentiels étaient rassurés par cette connaissance et n’ont pas hésité à déplacer les moyens de récolte adéquats.
 

Certaines parcelles, une centaine d’ha âgés d’une vingtaine d’années, n’ont pas été récoltées, mais broyées ; leurs produits étaient à peine commerciaux et surtout elles représentaient une forte menace de propagation d’incendies, notamment à proximité des axes routiers fréquentés. Ces terrains ont été rapidement reboisés de manière traditionnelle.


En matière d’exploitation et de vente de chablis, au-delà du massif de Haguenau, on peut dire que Lothar a permis le développement de l’interprofession FIBOIS Alsace autour de la cellule de crise mise en place pour la filières, et a été à l’origine de la création puis de l’extension de nouveaux modes de commercialisation, les contrats d’approvisionnement des scieurs. Des aires de stockage et d’aspersion de sapins et d’épicéas de qualité ont également été fonctionnelles pendant 3 années pour permettre la conservation de bois de qualité et sa commercialisation différée. Des études sont en cours actuellement pour recréer ce type d’infrastructures et les pérenniser pour faire face aux nouvelles crises que connaît la forêt.


Des aides publiques, des subventions Etat Région ont été mises en place, dans le cadre d’un plan « Jospin » décennal pour aider au stockage des bois sous aspersion (300 000 m3 en Alsace), pour transporter des bois vers des régions non sinistrées par voie routière, fluviale ou par rail.


Des subventions ont été accordées pour nettoyer les terrains avant régénération (600 – 900 – 1300 €/ha) ainsi que pour reconstituer par plantation les surfaces détruites. Les aides pour nettoyage du terrain ont été mobilisées à 100 % (12 000 ha). En revanche, seuls 2 300 ha ont été replantés dont environ 800 en forêt de Haguenau : pin sylvestre, chêne sessile sur les meilleurs stations, mélèzes d’Europe en enrichissement. 60 % seulement des moyens prévus pour la reconstitution ont été mobilisés dans la première décennie où existait la possibilité de subvention. Des besoins en matière d’amélioration des jeunes peuplements existent encore, ce qui avait été annoncé, mais les subventions publiques ne sont jamais éternelles. Ces besoins doivent aujourd’hui être autofinancés par les propriétaires des forêts.
 

Dès 2001, un aménagement « transitoire » a été proposé par l’ONF sur l’ensemble du massif de Haguenau ; il a concerné 23 propriétés forestières et une période de dix années. L’idée sous-jacente avait été que la tempête n’avait pas respecté les limites des forêts, que toutes les propriétés devaient bénéficier d’une équité de traitement et d’accès aux décisions et aides publiques et aussi que les actions à entreprendre devaient être cohérentes à grande échelle. Le montage des complexes dossiers de demande de subvention (l’administration s’en était donnée à coeur joie concernant le modèle) a été « industrialisée ». Toutes les communes, grandes comme petites ont bénéficié des aides publiques dès 2001.


Après l’exploitation des chablis, il y a eu la reconstitution des peuplements sinistrés. Là encore, une stratégie nouvelle a été proposée et mise en oeuvre ; elle était basée sur l’attente et la réflexion, pas sur la précipitation et l’interventionnisme comme pour la gestion des crises passée. Chaque parcelle concernée par les dégâts devait faire l’objet d’un diagnostic prenant en compte les stations forestières en présence, l’état du parterre de la coupe après exploitation et surtout la dynamique potentielle de la végétation. Les expériences passées,
notamment allemandes après le chablis de 1990, ont montré que la régénération naturelle se produisait dans l’essentiel des cas de petites trouées (50 à 100 m des lisières) et qu’ailleurs des successions naturelles d’essences pionnières se produiraient. Les pionniers (bouleaux, saules, trembles, pins) à graine légère s’installent puis procurent l’ambiance forestière nécessaire aux post pionniers et aux dryades en les protégeant de l’évapotranspiration et des gelées. Le mot d’ordre a donc été « attendre 5 à 10 ans » avant d’intervenir et ne planter rapidement qu’en cas de changement souhaité d’essence, comme par exemple le chêne sessile à la place du pin sylvestre sur les meilleures stations.


Cinq années après Lothar et au terme donc de la première période d’attente, une étude a été réalisée en partenariat avec les collègues forestiers du Palatinat dans le cadre d’un projet INTERREG pour mettre au point une « typologie » des successions possibles (15 au total) et réfléchir à leur devenir potentiel et leur valorisation à long terme. Ce travail décrit aussi des opérations sylvicoles nouvelles, extensives et exclusivement manuelles, comme les cassages annélations à la place des dégagements et nettoiements traditionnels et les enrichissements par groupe ou placeaux plutôt que les plantations en plein. Il s’agit dans tous les cas de favoriser des sujets précieux plus rares au sein d’une végétation forestière d’accompagnement constituant une « matrice » forestière. Ces opérations sont économiques et contribuent à un meilleur respect de l’environnement tout en créant des peuplements résilients.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fougère bloquante                                    Prunus serotina, envahissant

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Régénération naturelle claire de pin


L’état actuel de la forêt :


Quel est à présent l’état de la forêt 20 années après Lothar et compte tenu des évolutions de stratégie reconstitution exposées précédemment.


Au niveau global, Lothar avait fait perdre 90 m3 de bois en moyenne par ha selon l’inventaire forestier national. La tempête a anéanti les efforts mis en oeuvre par les forestiers en 150 années de sylviculture et le capital sur pied est revenu après 2 heures de catastrophe à ce qu’il était en 1843, date de son premier inventaire connu. La part du pin sylvestre a reculé significativement de 10 % au profit d’essences feuillues comme le bouleau et le chêne rouge d’Amérique. Le bouleau existait en 1840 à un niveau sensiblement équivalent à celui d’aujourd’hui. Il n’y a donc là qu’un retour au massif d’avant la sylviculture intensive. Le chêne rouge a été implanté en pare feux sur plus de 400 ha entre les années 1960 et 1990. Le volume moyen sur pied, grâce à des récoltes abaissées pendant 20 ans, est revenu à un niveau de 180 m3 par ha. Dans 30 ans on dépassera à nouveau les 200 m3 par ha, qui sera un capital suffisant pour permettre des arbres individuels plus gros et plus forts, susceptibles de mieux faire face aux changements climatiques à venir.
 

Que sont devenues les successions par principaux types après 15 années de croissance et de sylviculture extensive ?
Il ne reste plus beaucoup de vides. Ils ont été colonisés ou alors en cas de blocage par la fougère replantés.
Les régénérations claires se sont densifiées, parfois avec progression des pionniers encore, parfois ensemencement naturel après travail du sol par les forestiers. La conservation de semenciers dispersés a été bénéfique, même si ces arbres isolés ont tendance à tous disparaître aujourd’hui.

 

Les successions de pionniers denses (1 300 ha) seront gérées comme des peuplements à part entière, des bétulaies de production. D’ici à 5 ou 10 ans (en 2030) on y récoltera du bois énergie et en 2050 du bois d’oeuvre. Le bouleau est une essence méconnue et sous-estimée. Il a longtemps été chassé y compris par les forestiers. C’est pourtant une essence intéressante, importante en Europe, qui s’installe à peu de frais et produit un bois dense et homogène, comparable au hêtre, et à usage multiples. Il faudra créer et normaliser son marché futur.
 

Les régénérations feuillues, résineuses ou mixtes denses évoluent normalement ; on y pratique aujourd’hui les opérations sylvicoles extensives décrites précédemment et on veille à leur mélange pour leur résilience future.
Enfin, un mot pour le Cerisier tardif, un exotique américain qui s’est développé au sud du massif et dont on craignait l’explosion. Il reste heureusement cantonné aux stations relativement séchardes assez rares sur Haguenau (200 ha) et ne se développe pas sur les sols hydromorphes. Son couvert est souvent très dense, ne tolérant que peu de mélange, sauf un peu de pin sylvestre qu’il faut alors accompagner vigoureusement. Son avenir sylvicole reste faible en raison de formes de tiges médiocres et multiples. Quelques sujets parfois présentent une certaine qualité à promouvoir.

 

En bref la dynamique est toujours en cours et les forestiers l’accompagnent : imiter la nature, hâter son oeuvre… reste plus que jamais leur objectif.
 

Un secteur témoin des dégâts de tempête a été conservé sans intervention aucune sur 40 ha dans le triage de Stocklach à l’ouest du massif. Il constitue une réserve biologique intégrale, à l’instar des autres conservatoires des grands types de peuplement de la forêt existant à l’est et au coeur de la forêt depuis 1990. Certaines images y sont intéressantes pour la dynamique forestière qu’elles expriment, d’autres sont plus inquiétantes avec notamment le dépérissement complet des hêtres de l’ancien sous étage et l’absence de semis par suite de la présence probable dans les sols sableux secs de ce secteur du hanneton forestier. Cette réserve biologique pourra faire l’objet d’études par les scientifiques forestiers.
 

Les conclusions :


Lothar a été un événement climatique majeur et une grave crise psychologique et économique pour les forestiers. En revanche, il n’a pas été une catastrophe pour la nature ou la forêt en général qui est aujourd’hui majoritairement reconstituée et présente des peuplements plus naturels, plus mélangés et plus résilients, notamment par rapport aux changements climatiques et ses impacts prévisibles.


La tempête de1999 a aussi été à l’origine d’évolutions fortes en matière de pratiques et de gestion forestières.
La dynamique naturelle des successions forestières a été redécouverte et utilisée dans les reconstitutions et dans la sylviculture extensive pratiquée. Les forestiers sont aussi plus sensibles aujourd’hui à la protection des sols, le seul capital qui reste après une catastrophe comme Lothar. L’exploitation et la commercialisation des bois ont aussi évolué durablement vers davantage de mécanisation d’une part, et de contractualisation d’autre part. Enfin la gouvernance globale de la forêt s’est ouverte à l’interprofession, à la Ville et à la société en général avec notamment le projet « forêt d’exception ».


Toutes ces évolutions seront utiles pour affronter les crises nouvelles qui se présentent et qui seront issues des changements climatiques avec leur lot de dépérissements déjà à l’œuvre.

 

                                                                                                                         Septembre 2019  Pierre Geldreich

ONF – Agence travaux Rhin Vosges – Grand-Est

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